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.Je désire être fixé une dernière fois.Parlez pour moi seul, en mon seul nom, si vous voulez.Mais je le rencontre rarement.Il m'évite même.C'est une raison de plus pour l'aller voir.Je l'interrogerai, Ned.Quand ? demanda le Canadien en insistant.Quand je le rencontrerai.Monsieur Aronnax, voulez-vous que j'aille le trouver, moi ?Non, laissez-moi faire.Demain.Aujourd'hui, dit Ned Land.Soit.Aujourd'hui, je le verrai », répondis-je au Canadien, qui, en agissant lui-même, eût certainement toutcompromis.XIX.LE GULF-STREAM 122 20000 Lieues sous les mers Part 2Je restai seul.La demande décidée, je résolus d'en finir immédiatement.J'aime mieux chose faite que chose àfaire.Je rentrai dans ma chambre.De là, j'entendis marcher dans celle du capitaine Nemo.Il ne fallait pas laisseréchapper cette occasion de le rencontrer.Je frappai à sa porte.Je n'obtins pas de réponse.Je frappai denouveau, puis je tournai le bouton.La porte s'ouvrit.J'entrai.Le capitaine était là.Courbé sur sa table de travail, il ne m'avait pas entendu.Résolu à ne pas sortirsans l'avoir interrogé, je m'approchai de lui.Il releva la tête brusquement, fronça les sourcils, et me dit d'unton assez rude :« Vous ici ! Que me voulez-vous ?Vous parler, capitaine.Mais je suis occupé, monsieur, je travaille.Cette liberté que je vous laisse de vous isoler, ne puis-je l'avoirpour moi ? »La réception était peu encourageante.Mais j'étais décidé à tout entendre pour tout répondre.« Monsieur, dis-je froidement, j'ai à vous parler d'une affaire qu'il ne m'est pas permis de retarder.Laquelle, monsieur ? répondit-il ironiquement.Avez-vous fait quelque découverte qui m'ait échappé ? Lamer vous a-t-elle livré de nouveaux secrets ? »Nous étions loin de compte.Mais avant que j'eusse répondu, me montrant un manuscrit ouvert sur sa table, ilme dit d'un ton plus grave :« Voici, monsieur Aronnax, un manuscrit écrit en plusieurs langues.Il contient le résumé de mes études surla mer, et, s'il plaît à Dieu, il ne périra pas avec moi.Ce manuscrit, signé de mon nom, complété par l'histoirede ma vie, sera renfermé dans un petit appareil insubmersible.Le dernier survivant de nous tous à bord duNautilus jettera cet appareil à la mer, et il ira où les flots le porteront.»Le nom de cet homme ! Son histoire écrite par lui-même ! Son mystère serait donc un jour dévoilé ? Mais,en ce moment, je ne vis dans cette communication qu'une entrée en matière.« Capitaine, répondis-je, je ne puis qu'approuver la pensée qui vous fait agir.Il ne faut pas que le fruit devos études soit perdu.Mais le moyen que vous employez me paraît primitif.Qui sait où les vents pousserontcet appareil, en quelles mains il tombera ? Ne sauriez-vous trouver mieux ? Vous, ou l'un des vôtres nepeut-il.?Jamais, monsieur, dit vivement le capitaine en m'interrompant.Mais moi, mes compagnons, nous sommes prêts à garder ce manuscrit en réserve, et si vous nous rendez laliberté.La liberté ! fit le capitaine Nemo se levant.Oui, monsieur, et c'est à ce sujet que je voulais vous interroger.Depuis sept mois nous sommes à votre bord,et je vous demande aujourd'hui, au nom de mes compagnons comme au mien, si votre intention est de nous ygarder toujours.XIX.LE GULF-STREAM 123 20000 Lieues sous les mers Part 2Monsieur Aronnax, dit le capitaine Nemo, je vous répondrai aujourd'hui ce que je vous ai répondu il y a septmois : Qui entre dans le Nautilus ne doit plus le quitter.C'est l'esclavage même que vous nous imposez.Donnez-lui le nom qu'il vous plaira.Mais partout l'esclave garde le droit de recouvrer sa liberté ! Quels que soient les moyens qui s'offrent à lui,il peut les croire bons !Ce droit, répondit le capitaine Nemo, qui vous le dénie ? Ai-je jamais pensé à vous enchaîner par unserment ? »Le capitaine me regardait en se croisant les bras.« Monsieur, lui dis-je, revenir une seconde fois sur ce sujet ne serait ni de votre goût ni du mien.Maispuisque nous l'avons entamé, épuisons-le.Je vous le répète, ce n'est pas seulement de ma personne qu'ils'agit.Pour moi l'étude est un secours, une diversion puissante, un entraînement, une passion qui peut mefaire tout oublier.Comme vous, je suis homme à vivre ignoré, obscur, dans le fragile espoir de léguer un jourà l'avenir le résultat de mes travaux, au moyen d'un appareil hypothétique confié au hasard des flots et desvents.En un mot, je puis vous admirer, vous suivre sans déplaisir dans un rôle que je comprends sur certainspoints : mais il est encore d'autres aspects de votre vie qui me la font entrevoir entourée de complications etde mystères auxquels seuls ici, mes compagnons et moi, nous n'avons aucune part.Et même, quand notrecoeur a pu battre pour vous, ému par quelques-unes de vos douleurs ou remué par vos actes de génie ou decourage, nous avons dû refouler en nous jusqu'au plus petit témoignage de cette sympathie que fait naître lavue de ce qui est beau et bon, que cela vienne de l'ami ou de l'ennemi.Eh bien, c'est ce sentiment que noussommes étrangers à tout ce qui vous touche, qui fait de notre position quelque chose d'inacceptable,d'impossible, même pour moi mais d'impossible pour Ned Land surtout.Tout homme, par cela seul qu'il esthomme, vaut qu'on songe à lui.Vous êtes-vous demandé ce que l'amour de la liberté, la haine de l'esclavage,pouvaient faire naître de projets de vengeance dans une nature comme celle du Canadien, ce qu'il pouvaitpenser, tenter, essayer ? 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