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.— Quoi! s’écria Borrowdale tombant stupéfait dans sa berceuse, il n’y a pas de misère, pas de dénuement? C’est vous qui dites cela; et vous voyez l’infortune pleurer soir et matin sous vos yeux, et vous entendez à toute heure le besoin frapper à votre porte! Savez-vous qu’un dixième au moins de notre population, que deux cent cinquante mille âmes sont sans emploi? Est-ce que ce n’est pas assez pour répandre la ruine et la misère dans notre pays? Comment vivent ces gens-là ? Il faut qu’ils mendient, empruntent ou volent; car s’ils vivent aux crochets de leurs amis, n’est-ce pas une raffinerie de la mendicité? Il faut que le pays les garde à ne rien faire, rien faire, entendez-vous ça, monsieur! Et puis avez-vous jamais songé aux milliers de malheureux qui abandonnent leur pays? Étiez-vous à Québec ou à Montréal pendant la saison dernière? Y avez-vous vu les navires assiégés par les meilleurs de nos bras, la plus solide de nos richesses, venant sous la forme humaine solliciter la faveur de retourner en Europe, à n’importe quelle condition? Et ces gens-là , monsieur, n’étaient pas des hommes à se sauver pour des niaiseries! Avez-vous parcouru nos villes, dites? Avez-vous vu ces fabriques fermées, croulantes qui se montrent à chaque pas? Et vous êtes-vous demandé où sont les capitalistes qui ont eu la témérité de construire ces usines, où sont les ouvriers et les familles qui trouvaient là leur subsistance[4]? les employés que ces manufactures avaient rendus des citoyens actifs, industrieux, paisibles, honnêtes? Remontons l’échelle, monsieur; remontons-la et voyez la dépréciation des propriétés foncières dans toute la province, n’importe où, et vous conviendrez, je pense, que vos possesseurs de terres, vos habitants[5] valent aujourd’hui la moitié moins de ce qu’ils valaient il y a quelques années.Considérez de plus la dépréciation de notre crédit; examinez la baisse de nos récoltes; regardez les colonnes de nos gazettes, voyez ce que font les shérifs[6]! Les voyez-vous les ventes des shérifs annoncées dans votre journal, les voyez-vous partout publiées en grosses lettres? Et les voyez-vous au coin des rues, sur les portes de vos magasins? les voyez-vous sur les portes de vos maisons? Est-ce que vous ne voyez pas le pavillon, monsieur? s’écria véhémentement Borrowdale emporté par la chaleur de son sujet.Et vous dites qu’il n’y a pas de détresse commerciale? Vous osez dire ça? Vous dites que le pays, le Canada n’est pas plein de pauvres, de malheureux, d’ouvriers sans emploi, de misérables honteux, vous connaissez le mot! et de marchands en faillite ou à la veille de suspendre leurs affaires! Vous vous prétendez homme public, et vous êtes journaliste, monsieur Squobb, et vous nieriez ce fait! Parole d’honneur, ce serait à désespérer de la raison!— Pas tout à fait, pas tout à fait, mon cher, dit Squobb un peu embarrassé, car il sentait que son interlocuteur disait vrai, malgré la chaleur de son improvisation; non, pas tout à fait.Mais cet état de choses est-il unique? N’y a-t-il que le Canada qui en souffre? En regardant bien, ne verriez-vous pas qu’il en est un peu partout comme ici? Pourtant vous m’avez suggéré une idée.Permettez, je vais en prendre note! Ça me fera le sujet d’un article de fond.En effet, il y a du bon, beaucoup de bon, dans ce que vous avez dit, n’est-ce pas, Fleesham?L’autre se contenta de hocher la tête.— Peut-être, poursuivit Borrowdale d’un ton un peu plus rassis, peut-être pourrions-nous trouver quelque chose de même en Angleterre.En Angleterre, on trouverait sans doute quelque chose qui ressemble à ce qui se passe chez nous, mais ce qui est vrai là -bas doit-il être vrai chez nous? Les circonstances et les faits sont-ils analogues? En Angleterre, est-ce que vous ne trouvez pas agglomérés, sur un diamètre de vingt milles, le même nombre d’habitants qui se trouvent ici, où le territoire anglais embrasse plus de cinq millions de milles carrés? Y a-t-il, peut-il y avoir de la similitude entre les deux pays? Nous avons tout en main pour faire de notre pays un pays riche, peuplé, prospère et florissant, et qu’est-ce que nous faisons pour développer ces admirables ressources, dites-moi? Que direz-vous, que dira-t-on de nous si, avec tous ces immenses trésors naturels, capables de donner l’aisance à cinquante millions d’individus, vous parvenez à en sustenter deux ou trois millions à peine? Pouvons-nous devenir une grande nation, en suivant la même politique qui nous appauvrit dès le début?Le journaliste grimaça un maigre sourire.— Oh! je vous vois, Squobb, continua Borrowdale, vous êtes disposé à vous moquer de mes principes annexionnistes.Moquez-vous-en, j’y consens de grand cœur, mais, pour l’amour du ciel, vous, homme public, grand politique, indiquez-nous un remède à cet effroyable état de choses; car je suis sûr que vous n’allez pas nous dire que ce remède n’existe pas.— La confiance! la confiance! mon cher, s’écria complaisamment Fleesham recroisant ses jambes et regardant le plafond de l’air d’un homme sûr que son opinion prévaut dans toutes les discussions.— La confiance, Fleesham, reprit Borrowdale; mais que veut dire ce mot? J’ai beaucoup entendu parler de confiance, retour de confiance, manque de confiance, etc.Et c’est là , si je ne me trompe, le grand mot, l’argument capital des loyalistes; mais ne vous semble-t-il pas que la confiance est un effet et non une cause? Ne vous semble-t-il pas que la confiance est simplement le résultat de la sécurité commerciale et de la prospérité, tandis que le manque de confiance provient du manque des choses nécessaires à l’existence de cette confiance? Est-ce clair, ça? Sur ma parole, je suis d’avis que c’est chose nouvelle que de supposer que la confiance naît d’elle-même ou se soutient d’elle-même.Si vous désirez que la confiance mal placée domine, ah! il me semble qu’elle domine déjà trop.Il me semble aussi que vous en savez quelque chose, hein?L’importateur, comprenant l’allusion, se mordit les lèvres.— Sans doute, intervint Squobb, sentant qu’il était de son devoir d’accourir à l’aide de son patron; sans doute.Nous devons veiller aux progrès de l’agriculture et les défendre; aussi est-ce ce que nous faisons de toutes nos forces, car en eux reposent le bien-être et le développement de ce grand pays.— Très bien, dit Borrowdale, mais par quels moyens?— Par quels moyens?— Oui, voyons un peu.— Par quels moyens? répliqua Squobb de ce ton lent et affectant le dédain qui est ordinairement le signe d’une confusion dans les idées, quand ce n’est pas l’expression directe de l’impossibilité de répondre.— Oui, encore une fois, par quels moyens?— Eh! par le moyen dont on se sert pour soutenir toute espèce de choses
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